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correspondances avec des adorateurs plus ou moins avouables ; elle se plut à enflammer leur imagination et la sienne propre en de feintes amitiés, où elle porta une immense coquetterie. Je sus tout. On peut me trahir, mais il est plus difficile de me tromper. Je constatai qu’elle respectait nos liens à sa manière, et que mon intervention dans cette manière d’entendre le devoir et le sentiment ne servirait qu’à lui faire prendre quelque parti fâcheux et contracter des liens plus compromettants qu’elle ne le souhaitait elle-même. J’étudiai et je pratiquai systématiquement la prudence. Je fis le sourd et l’aveugle. Elle me traita de savant dans toute l’acception du mot, elle me méprisa presque…, et je me laissai mépriser ! N’avais-je pas juré à mon premier enfant, dès le sein de sa mère, que cette mère ne souffrirait jamais par ma faute ?

» Tu sais, mon cher Henri, comme j’ai vécu depuis six ans que nous sommes intimement liés. Je n’avais qu’un refuge, l’étude, et, devinant le vide de mon intérieur, tu t’es étonné quelquefois de me voir sacrifier la pensée des longs voyages à la crainte de paraître abandonner ma femme. Tu comprends aujourd’hui que ce qui m’a retenu ou ramené près d’elle après de médiocres absences, c’est le besoin de m’assurer d’abord que ma sœur gouvernait mes enfants selon mon cœur et selon mon esprit, ensuite la volonté d’ôter tout prétexte à quelque scandale dans ma maison. Je ne pouvais plus espérer ni désirer l’amour,