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son enfance, pour avoir le désir et le besoin de consacrer ses loisirs à quelque étude. Si elle était idolâtre de mélodies, de couleurs ou d’images, n’était-elle pas assez jeune, assez libre, assez encouragée par ma tendresse, pour vouloir sinon créer, du moins pratiquer à son tour ? Qu’elle eût un goût déterminé, ne fût-ce qu’un seul, une occupation favorite, et je la voyais sauvée de ses chimères. Je comprenais le but de son besoin de vivre dans une atmosphère échauffée et comme parfumée d’art et de littérature ; elle y devenait l’abeille qui fait son miel après avoir couru de fleur en fleur : autrement, elle n’était ni satisfaite ni émue réellement, sa vie n’étant ni active ni reposée. Elle voulait voir et toucher les aliments nutritifs par pure convoitise d’enfant malade ; mais, privée de force et d’appétit, elle ne se nourrissait pas.

» Elle fit d’abord la sourde oreille, et me présenta enfin un jour des raisonnements assez spécieux, et qui paraissaient désintéressés.

» — Il ne s’agit pas de moi, disait-elle, ne vous en inquiétez pas. Je suis une nature engourdie, peu pressée d’éclore à la vie comme vous l’entendez. Je ressemble à ces bancs de corail dont vous m’avez parlé, qui adhèrent tranquillement à leur rocher. Mon rocher, à moi, mon abri, mon port, c’est vous ! Mais, hélas ! voilà que vous voulez changer toutes les conditions de notre commune existence ! Eh bien, soit ; mais ne vous pressez pas tant ; vous avez encore beaucoup à gagner dans la prétendue oisiveté où je vous retiens. Vous