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» J’étais assez médecin pour savoir que la grossesse est quelquefois accompagnée d’une sorte d’insanité d’esprit. Je redoublai de soumission, d’effacement, de soins. Son mal me la rendait plus chère, et mon cœur débordait d’une pitié aussi tendre que celle d’une mère pour l’enfant qui souffre. J’adorais aussi en elle cet enfant de mes entrailles qu’elle allait me donner ; il me semblait entendre sa petite âme me parler déjà dans mes rêves et me dire : « Ne fais jamais de peine à ma mère ! »

» Elle fut, en effet, ravie pendant les premiers jours : elle voulut nourrir notre cher petit Edmond ; mais elle était trop faible, trop insoumise aux prescriptions de l’hygiène, trop exaspérée par la moindre inquiétude ; elle dut bien vite confier l’enfant à une nourrice dont aussitôt elle fut jalouse au point de se rendre plus souffrante encore. Elle faisait de la vie un drame continuel ; elle sophistiquait sur l’instinct filial qui se portait avec ardeur vers le sein de la première femme venue. Et pourquoi Dieu, ce Dieu intelligent et bon auquel je feignais de croire, disait-elle, n’avait-il pas donné à l’homme dès le berceau un instinct supérieur à celui des animaux ? En d’autres moments, elle voulait que la préférence de son enfant pour la nourrice fût un symptôme d’ingratitude future, l’annonce de malheurs effroyables pour elle.

» Elle guérit pourtant, elle se calma, elle prit confiance en moi en me voyant renoncer à toutes mes habitudes et à tous mes projets pour lui complaire.