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— Cela appartient toujours au juif Manassé ?

— Qui, par parenthèse, n’a jamais voulu le vendre à mon père ; mais il demeure beaucoup plus loin. Pourtant, si vous craignez d’être entendu, sortons d’ici ; allons chez vous.

— Non, restons là, dit Valvèdre avec une certaine fermeté.

Et, comme si, maître de mon secret et certain de ma présence, il eût voulu me condamner à l’entendre, il ajouta :

— Asseyons-nous là, sous la tonnelle. J’ai un long récit à te faire, et je sens que je dois te le faire. Si je prenais le temps de la réflexion, peut-être que ma patience et ma résignation habituelles m’entraîneraient encore au silence, et peut-être faut-il parler sous le coup de l’émotion.

— Prenez garde ! dit Obernay en s’asseyant auprès de lui. Si vous regrettiez ce que vous allez faire ? si, après m’avoir pris pour confident, vous aviez moins d’amitié pour moi ?

— Je ne suis pas fantasque, et je ne crains pas cela, répondit Valvèdre en parlant avec une netteté de prononciation qui semblait destinée à ne me laisser rien perdre de son discours. Tu es mon fils et mon frère, Henri Obernay ! l’enfant dont j’ai chéri et cultivé le développement, l’homme à qui j’ai confié et donné ma sœur bien-aimée. Ce que j’ai à te dire après des années de mutisme te sera utile à présent, car c’est l’histoire de mon mariage que je te veux confier ; tu