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Et, je me retraçais les grâces voluptueuses d’Alida, sa préoccupation d’amour exclusive, l’art féminin grâce auquel sa beauté pâlie et fatiguée rivalisait avec les plus luxuriantes jeunesses, son idolâtrie caressante pour l’objet de sa prédilection, ses ingénieuses et enivrantes flatteries, enfin ce culte qu’elle avait pour moi dans ses bons moments, et dont l’encens m’était si délicieux, qu’il me faisait oublier le malheur de notre situation et l’amertume de nos découragements.

— Oui, me disais-je, celle-là se connaît bien ! Elle se proclame une vraie femme, et c’est la femme type. L’autre n’est qu’un hybride dénaturé par l’éducation, un écolier qui sait bien sa leçon et qui mourra de vieillesse en la répétant, sans avoir aimé, sans avoir inspiré l’amour, sans avoir vécu. Aimons donc et ne chantons que l’amour et la femme ! Alida sera la prêtresse ; c’est elle qui allumera le feu sacré ; mon génie encore captif brisera sa prison quand j’aurai encore plus aimé, encore plus souffert ! Le vrai poëte est fait pour l’agitation comme l’oiseau des tempêtes, pour la douleur comme le martyr de l’inspiration. Il ne commande pas à l’expression et ne souffre pas les lisières de la logique vulgaire. Il ne trouve pas une strophe tous les soirs en mettant son bonnet de nuit ; il est condamné à des stérilités effrayantes comme à des enfantements miraculeux. Encore quelque temps, et nous verrons bien si Adélaïde est un maître et si je dois aller à son école comme la petite Rosa !

Et puis je me rappelais confusément mon jeune