Page:Sand - Valvèdre.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.

volontaire effacement ! — Cette flamme tranquille avait-elle déjà consumé la vitalité de la jeunesse ? ou bien la tenait-elle assoupie, contenue, et cette adoration d’ange envers l’auteur du beau — c’est ainsi qu’elle appelait Dieu — donnait-elle le change à une passion de femme qui s’ignorait encore ?

Je me perdais dans cette analyse, et certains élans religieux, certains vers exprimant le ravissement de la contemplation intelligente s’attachaient à ma mémoire jusqu’à l’obséder. J’essayais d’en changer les expressions pour qu’ils m’appartinssent. Je ne trouvais pas mieux, je ne trouvais même pas autre chose pour rendre une émotion si profonde et si pure.

— Ah ! virginité ! m’écriais-je avec effroi, es-tu donc l’apogée de la puissance intellectuelle, comme tu es celle de la beauté physique ?

Le cœur du poëte est jaloux. Cette admiration, qui me saisissait impérieusement, me rendit morose et m’inspira pour Adélaïde une estime mêlée d’aversion. En vain je voulus combattre ce mauvais instinct ; je me surpris, le soir même, écoutant ses enseignements à sa sœur, avec le besoin de découvrir qu’elle était vaine ou pédante. J’aurais pu avoir beau jeu, si sa modestie n’eût été réelle et entière. L’entretien fut comme une répétition de nomenclature qu’elle fit faire à Rosa. En marchant avec elle à travers tout le jardin, elle lui faisait nommer toutes les plantes du parterre, tous les cailloux des allées, tous les insectes qui passaient devant leurs yeux. Je les entendais re-