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l’enthousiasme ne se faisait en nous qu’après l’excitation de la colère ou de la douleur.

Ce qu’il y avait de remarquable, c’est que nous n’arrivions jamais à prendre une résolution. Il me semblait pressentir un mystère derrière les réserves et les hésitations d’Alida. Elle prétendait qu’il y en avait un aussi en moi, que je conservais une arrière-pensée de mariage avec Adélaïde, ou que j’aimais trop ma liberté d’artiste pour me donner tout entier à notre amour. Et, quand je lui offrais ma vie, mon nom, ma religion, mon honneur, elle refusait tout, invoquant sa propre conscience et sa propre dignité. Quel labyrinthe inextricable, quel chaos effrayant nous environnait !

Quand elle fut partie, disant, comme de coutume, qu’elle réfléchirait et que je devais attendre une solution, je marchai avec agitation sous la treille et me retrouvai machinalement à l’angle de la muraille, derrière la tonnelle des Obernay. Adélaïde et Rosa étaient là ; elles causaient.

— Je vois qu’il faut travailler pour faire plaisir à nos parents, à mon frère et à toi, disait la petite, et aussi à mon bon ami Valvèdre, à Paule, à tout le monde enfin ! Cependant, comme je me sens bien d’être un peu paresseuse par nature, je voudrais que tu me disses encore d’autres raisons pour me forcer à me vaincre.

— Je t’ai déjà dit, répondit la voix suave de l’aînée, que le travail plaisait à Dieu.