Page:Sand - Valvèdre.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de plus pour y ajouter, par ma croyance et ma volonté, la sanction que lui a refusée Valvèdre ? Ma conscience n’a jamais admis et n’admettra jamais que lui ou moi ayons le droit de rompre.

— Eh bien, répondis-je, je vous aime mieux ainsi : cela me semble plus digne de vous ; mais, si votre mari vous contraint à reprendre votre liberté !…

— Il peut reprendre la sienne, si tant est qu’il l’ait perdue ; mais, moi, rien ne me décidera à me remarier. Voilà pourquoi je ne vous ai jamais dit que cela fut possible.

Croirait-on que cette décision si nette me blessa profondément ? Une heure auparavant, je frémissais encore à l’idée de devenir l’époux d’une femme de trente ans, deux fois mère, et riche des aumônes d’un ancien mari. Toute ma passion faiblissait devant une si redoutable perspective, et pourtant je m’étais dit que, si Alida, répudiée par ma faute, exigeait de moi cette solennelle réparation, je me ferais au besoin naturaliser étranger pour la lui donner ; mais j’espérais qu’elle n’y songerait seulement pas, et voilà que je l’interrogeais, voilà que je me trouvais humilié et comme offensé de sa fidélité quand même envers l’époux ingrat ! Il était dans la destinée et aussi dans la nature de notre amour de nous abreuver de chagrins à tout propos, à toute heure, de nous rendre méfiants, susceptibles. Nous échangeâmes des paroles aigres, et nous nous quittâmes en nous adorant plus que jamais, car il nous fallait l’orage pour milieu, et