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— Il n’y a point de joli état, si vous êtes pauvre.

— Pardonnez-moi, je suis libre !

— Alors vous avez de l’aisance, car, avec la misère, il n’y a qu’esclavage. J’ai passé par là, moi qui vous parle, et j’ai manqué d’éducation ; mais je me suis un peu refait à mesure que j’ai surmonté le mauvais sort. Donc, vous ne connaissez pas les Valvèdre ? C’est un singulier couple, à ce qu’on dit. Une femme ravissante, une vraie femme du monde sacrifiée à un original qui vit dans les glaciers ! Vous jugez…

Ici, le juif fit quelques plaisanteries d’assez mauvais goût, mais dont je ne me scandalisai point, les personnes dont il parlait ne m’étant pas directement connues. Il ajouta que, du reste, avec un tel mari, madame de Valvèdre était dans son droit, si elle avait eu les aventures que lui prêtait la chronique génevoise. J’appris par lui que cette dame paraissait de temps en temps à Genève, mais de moins en moins, parce que son mari lui avait acheté, vers le lac Majeur, une villa d’où il exigeait qu’elle ne sortît point sans sa permission.

— Vous comprenez bien, ajouta-t-il, qu’elle se ménage quelques échappées quand il n’est pas là… et il n’y est jamais : mais il lui a donné pour surveillante une vieille sœur à lui, qui, sous prétexte de soigner les enfants, — il y en a quatre ou cinq, — fait en conscience son métier de geôlière.

— Je vois que vous plaignez beaucoup l’intéressante captive. Peut-être la connaissez-vous plus que vous ne voulez le dire à table d’hôte ?