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comme dans un rêve. J’ai prié et pleuré toute la journée, et je ne voulais reparaître devant mes enfants que quand Dieu m’aurait rendu la force de vivre ; mais Dieu m’abandonne, il m’a écrasée de honte et de remords sans m’envoyer le vrai repentir qui inspire les bonnes résolutions. J’ai invoqué l’âme de ma mère, elle m’a répondu : « Le repos n’est que dans la mort ! » J’ai senti le froid de la dernière heure, et, loin de m’en défendre, je m’y suis abandonnée avec une volupté amère. Il me semblait qu’en mourant là, aux pieds du Christ, non pas assez rachetée par ma foi, mais purifiée par ma douleur, j’aurais au moins le repos éternel, le néant pour refuge. Dieu n’a pas plus voulu de ma destruction que de mes pleurs. Il vous a amené là pour me forcer à aimer, à brûler, à souffrir encore. Eh bien, que sa volonté soit faite ! Je suis moins effrayée de l’avenir depuis que je sais que je peux mourir de fatigue et de chagrin quand le fardeau sera trop lourd.

Alida était si saisissante et si belle dans son voluptueux accablement, que je trouvai l’éloquence d’un cœur profondément ému pour la convaincre et la rappeler à la vie, à l’amour et à l’espérance. Elle me vit si navré de sa peine, qu’à son tour elle eut pitié de moi et se reprocha mes pleurs. Nous échangeâmes les serments les plus enthousiastes d’être à jamais l’un à l’autre, quoi qu’il pût arriver de nous ; mais, en nous séparant, qu’allions-nous faire ? J’étais parti pour toutes les personnes que nous connaissions à Genève. L’heure