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Il faut que je dédaigne tout cela, et que je vous apprenne que, si je suis une personne odieuse, au moins j’ai la fierté qui convient à ma situation. Épargnez-vous de vains mensonges ; vous aimez Adélaïde et vous serez son mari, je vais vous y aider de tout mon pouvoir. Renvoyez-moi mes lettres et reprenez les vôtres. Je vous pardonne de tout mon cœur comme on doit pardonner aux enfants. J’aurai plus de peine à m’absoudre moi-même de ma folie et de ma crédulité. »

Ainsi ce n’était pas assez de la situation terrible où nous nous trouvions vis-à-vis de la famille et de la société : il fallait que le désespoir, la jalousie et la colère missent en cendre nos pauvres cœurs déjà battus en ruine !

Je fus pris d’un accès de rage contre la destinée, contre Alida et contre moi-même. J’allai faire mes adieux à la famille Obernay, et je repartis pour mon prétendu voyage d’agrément ; mais je m’arrêtai à deux lieues de Genève, en proie à une terreur douloureuse. Je n’avais pas pris congé de madame de Valvèdre ; elle était sortie quand j’étais allé faire mes adieux. En rentrant et en apprenant ma brusque résolution, elle était bien femme à se trahir ; mon départ, au lieu de la sauver, pouvait la perdre… Je revins sur mes pas, incapable d’ailleurs de supporter la pensée de ses souffrances. Je feignis d’avoir oublié quelque chose chez Obernay, et j’y arrivai avant qu’Alida fût rentrée. Où donc était-elle depuis le matin ? Adélaïde et Rosa étaient seules à la maison. Je me hasardai à leur demander si