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— Oui ! on fait l’agréable vis-à-vis de soi-même, on se croit fort spirituel, et on s’aperçoit tout d’un coup que l’on n’est qu’un impertinent de mauvais goût en présence d’un homme de mérite.

— Allons, allons, reprit en riant Valvèdre, le pauvre homme de mérite vous pardonne de tout son cœur et ne racontera rien de ceci à la bonne Adélaïde.

J’étais fort embarrassé de mon rôle, et, par moments, je me persuadais, malgré la liberté d’esprit de M. de Valvèdre, que, s’il avait en dépit de lui-même quelque velléité de jalousie, c’était bien plus à propos d’Adélaïde qu’à propos de sa femme. Je me maudissais donc d’être toujours dans la nécessité de le faire souffrir. Pourtant je me rappelais les premières paroles qu’il m’avait dites au Simplon : « J’ai beaucoup aimé une femme qui est morte. » Il aimait donc en souvenir, et c’est là qu’il puisait sans doute la force de n’être ni jaloux de sa femme, ni épris d’une autre.

Quoi qu’il en soit, je voulus au moins le délivrer d’un trouble possible, en lui disant que je me trouvais encore trop jeune pour songer au mariage, et que, si je venais à y songer, ce serait lorsque Rosa serait en âge de quitter sa poupée.

— Rosa ! répondit-il avec quelque vivacité. Eh ! mais oui… vos âges s’accorderont peut-être mieux alors ! Je la connais autant que l’autre, et c’est un trésor aussi que cette enfant-là. Mais partez donc et faites danser mon petit diable rose. Allons, allons ! vous n’êtes pas encore aussi vieux que vous le prétendiez !