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malheur, et, quant à elle, la peur que je lui avais causée n’était pas aussi sérieuse qu’elle voulait se le persuader. Qu’y avait-il donc d’impossible entre nous ? quelle barrière séparait nos âmes ? Nous restâmes en face de cet effrayant problème sans pouvoir le résoudre.

Le seul remède à notre douleur était de souffrir ensemble, et ce fut réellement le seul lien profondément vrai qui nous étreignit. Cette douleur que je vis en elle si poignante et si sincère me purifia, en ce sens que j’abjurai mes projets de séduction par surprise et par ruse. Malheureux par elle, je l’aimai davantage. Qui sait si le triomphe ne m’eût pas rendu ingrat, comme elle le redoutait ?

Dès le jour suivant, je pris la direction du Saint-Gothard pour me rendre ensuite au lac des Quatre-Cantons. Alida blâmait mon empressement à la quitter, elle pensait que je pouvais impunément passer une semaine à Rocca ; mais je voyais bien que la curiosité de ma vieille hôtesse l’empêcherait, un jour ou l’autre, de dormir, et que mes promenades nocturnes seraient un sujet de réflexions et de commentaires dans les environs.

Après les premières heures de marche, je m’arrêtai à un énorme rocher qu’Alida m’avait indiqué au loin comme une de ses promenades favorites. De là, je voyais encore sa blanche villa comme un point brillant au milieu des bois sombres. Tandis que je la contemplais, lui envoyant dans mon cœur un tendre