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divine la rapetissent singulièrement à mes yeux, et que je serais désolé, par exemple, de savoir combien d’espèces de mouches sucent en ce moment autour de nous le serpolet et les lavandes. Je sais bien que l’ignorant complet croit avoir tout vu quand il a remarqué le bourdonnement de l’abeille ; mais, moi qui sais que l’abeille a beaucoup de sœurs ailées qui modifient et répandent son type, je ne demande pas qu’on me dise où il commence et où il finit. J’aime mieux me persuader que nulle part il ne finit, que nulle part il ne commence, et mon besoin de poésie trouve que le mot abeille résume tout ce qui anime de son chant et de son travail les tapis embaumés de la montagne. Permettez donc au poëte de ne voir que la synthèse des choses et n’exigez pas que le chantre de la nature en soit l’historien.

— Je trouve qu’ici vous avez mille fois raison, répondit mon docteur. Le poëte doit résumer, vous êtes dans le vrai, et jamais la dure et souvent arbitraire technologie des naturalistes ne sera de son domaine, espérons-le ! Seulement, le poëte qui chantera l’abeille ne perdra rien à la connaître dans tous les détails de son organisation et de son existence. Il prendra d’elle ainsi que de sa supériorité sur la foule des espèces congénères, une idée plus grande, plus juste et plus féconde. Et ainsi de tout, croyez-moi. L’examen attentif de chaque chose est la clef de l’ensemble. Mais ce n’est pas là le point de vue le plus sérieux de la thèse que vous m’avez permis de soutenir devant