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le sublime spectacle du monde ! Permettez, ajouta-t-il avec une douce et convaincante vivacité en me voyant prêt à l’interrompre : je sais ce que vous voulez me dire. Le poëte et le peintre se prétendent les amants privilégiés de la nature ; ils se flattent de la posséder exclusivement, parce qu’ils ont des formes et des couleurs et un vif ou profond sentiment pour l’interpréter. Je ne le nie pas et j’admire leur traduction quand elle est réussie ; mais je prétends, moi, que les plus habiles et les plus heureux, les plus durables et les mieux inspirés d’entre eux sont ceux qui ne se contentent pas de l’aspect des choses, et qui vont chercher la raison d’être du beau au fond des mystères d’où s’épanouit la splendeur de la création. Ne me dites pas, à moi, que l’étude des lois naturelles et la recherche des causes refroidissent le cœur et retardent l’essor de la pensée ; je ne vous croirais pas, car, si peu qu’on regarde la source ineffable des éternels phénomènes, je veux dire la logique et la magnificence de Dieu, on est ébloui d’admiration devant son œuvre. Vous autres, vous ne voulez tenir compte que d’un des résultats de cette logique sublime, le beau qui frappe les yeux ; mais, à votre insu, vous êtes des savants quand vous avez de bons yeux, car le beau n’existerait pas sans le sage et l’ingénieux dans les causes ; seulement, vous êtes des savants incomplets et systématiques, qui se ferment, de propos délibéré, les portes du temple, tandis que les esprits vraiment religieux en recherchent les sanctuaires et en étudient