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Brigg en me promenant. J’ai flâné en route. J’avais soif, et le murmure de la source m’a amené auprès de vous. Vous récitiez ou vous improvisiez. Je vous ai dérangé…

— Non pas, m’écriai-je ; vous alliez fumer un cigare, et, si vous le permettez, je fumerai le mien près de vous. Savez-vous, docteur, que je suis très-heureux de vous voir à tête reposée et de causer un moment avec vous ?

— Comment ! vous ne me connaissez pas !

— Pas plus que vous ne me connaissez ; mais vous êtes pour moi le héros improvisé d’un petit poëme que je roulais dans ma cervelle de comédien. Un proverbe, une fantaisie, je suppose : deux scènes pour peindre le contraste entre les deux types que nous représentons, vous et moi. La première est tout à votre avantage. L’enfant se mourait, je plaignais la mère en m’endormant ; vous la consoliez, vous sauviez l’enfant à mon réveil ! Le cadre était simple et touchant, et vous aviez le beau rôle. Dans la seconde scène, je voudrais pourtant relever l’artiste : vous pensez bien qu’on n’abjure pas l’orgueil de son état ! mais que puis-je imaginer pour avoir ici plus d’esprit et de sens que vous ? Je ne trouve absolument rien, car, individuellement, vous me paraissez très-supérieur à moi en toutes choses… Il faudrait que vous fussiez assez modeste pour m’aider à prouver que l’artiste est le médecin de l’âme, comme le savant est celui du corps.

— Oui, répondit mon aimable docteur en s’asseyant