Page:Sand - Valvèdre.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.

présence, et je me demandai s’il ne me prenait pas pour un aliéné. Je ne pus m’empêcher d’en rire, et, pour le rassurer en sauvant mon amour-propre :

— Docteur, lui dis-je, vous me prescrivez cette eau pure comme un remède, convenez-en, ou vous en faites l’épreuve sur moi pour voir si je ne suis pas hydrophobe ; mais tranquillisez-vous, vous n’aurez pas à me soigner. J’ai toute ma raison. Je suis un pauvre comédien ambulant, et vous m’avez surpris récitant un fragment de rôle.

— Vraiment ? dit-il d’un air de doute. Vous n’avez pourtant pas l’air d’un comédien !

— Pas plus que vous n’avez l’air d’un médecin de campagne. Pourtant vous êtes un disciple de la science, et moi, je suis un disciple de l’art : que vous en semble ?

— Soit ! reprit-il. Je ne vous ai pris ni pour un naturaliste, ni pour un peintre ; mais, d’après ce que ces gens du chalet m’ont dit de vous, je vous prenais pour un poëte.

— Qu’ont-ils donc pu vous dire de moi ?

— Que vous déclamiez tout seul dans la montagne ; c’est pourquoi les bonnes gens vous prenaient pour un fou.

— Et ils vous envoyaient à mon secours, ou bien la charité vous a mis à ma recherche ?

— Non ! dit-il en riant. Je ne suis pas de ces médecins qui courent après la clientèle et qui lui demandent la bourse ou la vie au coin d’un bois. Je m’en allais à