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la paille. Le désespoir muet de la femme était sublime d’expression. Cette laide créature, goîtreuse, à demi crétine, devenait belle par l’instinct de la maternité. Le père, farouche et dévot, priait sans espoir. Assis sur mon grabat, je les contemplais, et ma stérile pitié ne rencontrait que des mots et des comparaisons ! J’en fus irrité contre moi-même, et je pensai qu’en ce moment il eût mieux valu être un petit médecin de campagne que le plus grand poëte du monde.

Quand le jour vint, je m’éveillai et m’aperçus seulement alors que la fatigue m’avait vaincu. Je me soulevai, croyant voir l’enfant mort et la mère prosternée ; mais je vis la mère assise, et, sur ses genoux, l’enfant qui souriait. Auprès d’eux était un homme en casaque de laine et en guêtres de cuir, dont les mains blanches et la trousse de voyage dépliée annonçaient autre chose qu’un colporteur ou un contrebandier. Il fit prendre au petit malade une seconde dose de je ne sais quel calmant, donna ses instructions aux parents dans leur dialecte, que je comprenais peu, et se retira en refusant l’argent qu’on lui offrait. Quand il fut sorti, on s’aperçut qu’au lieu d’en recevoir, il en avait laissé à dessein dans la sébile du foyer.

Il était donc venu pendant mon sommeil ; il avait été envoyé là, dans ce désert, par la Providence, l’homme de bien et de secours, le messager d’espoir et de vie, le petit médecin de campagne, antithèse du poëte sceptique.

Il y avait là un sujet. Je me mis à le composer en