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C’est ici, lecteur, qu’il ne faut pas me suivre un guide à la main. Je donnerai aux localités que je me rappelle les premiers noms qui me viendront à l’esprit. Ce n’est point un voyage que je t’ai promis, c’est une histoire d’amour.

À la base des montagnes, du côté de la Suisse, s’abrite un petit village, les Chalets-Saint-Pierre, que j’appellerai Saint-Pierre tout court. C’est là que je trouvai Henri Obernay. Il y était installé pour une huitaine, son compagnon de voyage voulant explorer les glaciers. La maison de bois dont ils s’étaient emparés était grande, pittoresque, et d’une propreté réjouissante. On m’y fit place, car c’était une espèce d’auberge pour les touristes. Je vois encore les paysages grandioses qui se déroulaient sous les yeux, de toutes les faces de la galerie extérieure, placée au couronnement de ce beau chalet. Un énorme banc de rochers préservait le hameau du vent d’est et des avalanches. Ce rempart naturel formait comme le piédestal d’une montagne toute nue, mais verte comme une émeraude et couverte de troupeaux. Du bas de la maison partait une prairie en fleurs qui s’abaissait rapidement vers le lit d’un torrent plein de bruit et de colère, et dans lequel se déversaient de fières et folles cascatelles tombant des rochers qui nous faisaient face. Ces rochers, au sommet desquels commençaient les glaciers, d’abord resserrés en étroites coulisses et peu à peu disposés en vastes arènes éblouissantes, étaient les premières assises de la masse effrayante du mont