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sophisme, où elle puisait effectivement pour son compte tout le bonheur dont elle était susceptible, mais dont les âcres jouissances détérioraient mon âme, annulaient ma conscience et flétrissaient ma foi !

Deux jours se passèrent sans que j’eusse aucun signal de la montagne, aucune nouvelle d’Obernay. Cette mortelle inquiétude me rendit plus âpre au bonheur, et le remords ajoutait encore à l’étourdissement de mes coupables joies. Le soir, seul dans ma chambre, je frissonnais à l’idée qu’en ce moment peut-être Obernay et Valvèdre, ensevelis sous les glaces, exhalaient leur dernier souffle dans une étreinte suprême ! Et moi, j’avais pu oublier mon ami pendant des heures entières auprès d’une femme qui me couvait d’un céleste regard de tendresse et de béatitude, sans pressentir le destin qui pesait sur elle et qui peut-être la faisait veuve en cet instant-là ! Je me sentais alors baigné d’une sueur froide, j’avais envie de m’élancer dans la nuit pour courir à la recherche d’Obernay ; il y avait des moments où, en songeant que je trompais Valvèdre, un agonisant peut-être, un martyr de la science, je me sentais lâche et me faisais l’effet d’un assassin.

Enfin je reçus une lettre d’Obernay.

« Tout va bien, me disait-il. Je n’ai pu encore rejoindre Valvèdre ; mais je sais qu’il est à B***, à six lieues de moi, et qu’il est en bonne santé. Je me repose quelques heures et je cours auprès de lui. J’espère le décider à s’en tenir là et le ramener à Saint-