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qu’elle ne se prêtât au tête-à-tête ; j’eusse été enivré la veille de tant de bontés, mais j’étais mortellement triste en songeant à Obernay, et je faisais de vains efforts pour me sentir heureux. Elle s’en aperçut, et, sans songer à deviner la vérité, elle attribua mon abattement à la passion contenue par la crainte. Elle me pressa de questions imprudentes et cruelles, et ce que je n’eusse pas osé lui dire dans l’ivresse de l’espérance, elle me l’arracha dans la fièvre de l’angoisse ; mais ce furent des aveux amers et remplis de ces injustes reproches qui trahissent le désir plus que la tendresse. Pourquoi voulait-elle lire dans mon cœur troublé, si le sien, qui paraissait calme, n’avait à m’offrir qu’une pitié stérile ?

Elle ne fut pas blessée de mes reproches.

— Écoutez, me dit-elle, j’ai provoqué cet abandon de votre part, vous allez savoir pourquoi, et, si vous m’en savez mauvais gré, je croirai que vous n’êtes pas digne de ma confiance. Depuis le premier jour où nous nous sommes vus, vous avez pris vis-à-vis de moi une attitude douloureuse, impossible. On m’a souvent reproché d’être coquette ; on s’est bien trompé, puisque la chose que je crains et que je hais le plus, c’est de faire souffrir. J’ai inspiré plusieurs fois, je ne sais pourquoi ni comment, des passions subites, je devrais plutôt dire des fantaisies ardentes, offensantes même… Il en est pourtant que j’ai dû plaindre, ne pouvant les partager. La vôtre…

— Tenez, m’écriai-je, ne parlez pas de moi : vous