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sous les plus funèbres auspices. J’avoue que je m’inquiétais médiocrement de M. de Valvèdre. Il suivait sa destinée, qui était de préférer la science à l’amour ou tout au moins au bonheur domestique ; il y risquait, par conséquent, son honneur conjugal et sa vie. Soit ! c’était son droit, et je ne voyais pas pourquoi je l’aurais plaint ou épargné ; mais Obernay m’était un grave sujet d’effroi et de tristesse. J’eus beaucoup de peine à paraître calme en expliquant son départ. Heureusement, mes compagnes furent aisément dupes. Alida était plutôt portée à se plaindre des périlleuses excursions de son mari qu’à s’en tourmenter. Il était facile de voir qu’elle était humiliée d’avoir perdu l’ascendant qui l’avait retenu plusieurs années dans son ménage. Elle ne paraissait plus en souffrir pour son propre compte, mais elle en rougissait devant le monde. Quant à Paule, elle croyait si religieusement à la confiance et à la sincérité d’Obernay, qu’elle combattit bravement un premier mouvement d’inquiétude en disant :

— Non, non ! Henri ne m’eût pas trompée. Si mon frère était en danger, il me l’eût dit. Il n’eût pas douté de mon courage, il n’eût laissé à nul autre que moi le soin de soutenir celui de ma belle-sœur.

Le temps était brouillé, on ne sortit pas ce jour-là. Paule travailla dans sa chambre ; malgré l’air humide et froid, Alida passa l’après-midi assise sur la galerie, disant qu’elle étouffait dans ces pièces écrasées par un plancher bas. J’étais à ses côtés, et ne pouvais douter