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— Ah ! mon Dieu ! est-ce qu’il est devenu savant ? dit-elle en baissant la voix et comme pénétrée d’effroi.

— Vous détestez donc bien la science ? repris-je en baissant la voix aussi. Oh ! ne vous gênez pas, je ne sais rien au monde !

— Vous avez bien raison ; mais je ne peux rien dire ici. Nous parlerons de cela demain à la promenade.

— Nous parlerons ! je ne crois pas !

— Pourquoi ? Voyons, dit-elle en s’efforçant de faire envoler en paroles l’émotion qui m’accablait et qu’elle ne voulait plus subir en dépit d’elle-même, pourquoi ne nous sommes-nous rien dit aujourd’hui ? Moi, je suis taciturne, mais c’est par timidité. Une ignorante qui a vécu dix ans avec des oracles a dû prendre l’habitude de se taire ; mais vous ? Allons, puisque vous n’êtes en train ni de lire ni de causer, vous devriez me faire un peu de musique… Non ? Je vous en prie !

Madame de Valvèdre, je l’ai su plus tard, était une séduisante enfant qu’il fallait toujours occuper et distraire pour l’arracher à une mélancolie profonde. Elle sentait si bien ce besoin, qu’elle allait quêtant les soins et les attentions avec une naïveté désœuvrée qui la faisait paraître tantôt coquette, tantôt voluptueuse. Elle n’était ni l’un ni l’autre. L’ennui et le besoin d’émotions étaient les mobiles de toute sa conduite, dirai-je aussi de ses attachements ?… Je ne sus pas résister à sa prière et j’obtins seulement la permission de faire de la musique à distance. Placé au bout de la galerie, je fis chanter mon hautbois comme une voix