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— Voyons toujours le rêve de la première !

— Soit ! On pourra s’en moquer, n’est-ce pas ?

— Non ! je prends l’enfant sous ma protection. J’ai lu, dans les dix lignes de la préface, que l’auteur n’avait que vingt ans. À propos, croyez-vous qu’il les ait encore ?

— Le livre est daté de 1832 ; mais c’est égal, si vous voulez que l’auteur n’ait pas vieilli…

— Quel âge avez-vous donc, vous ?

— Je n’en sais rien ; j’ai l’âge que Votre Majesté voudra.

Je retrouvais le courage de plaisanter, parce que je voyais Obernay m’écouter d’une oreille. Quand il crut s’être convaincu que je n’avais que des riens à échanger avec cette femme réputée par lui frivole, il n’écouta plus ; mais alors je ne trouvai plus rien à dire, l’émotion me prit à la gorge, et je sentis qu’il me serait impossible de lire une page. Alida s’en aperçut bien, et, reprenant le livre :

— Je vois, dit-elle, que vous méprisez beaucoup mon petit poète ; moi, sans l’admirer précisément, je l’aimais. Puisque vous faites si peu de cas de l’ingénuité romanesque, je ne vous le rendrai pas, je vous en avertis. Est-ce que vous le connaissez, ce garçon-là ?

— Il est anonyme.

— Ce n’est pas une raison.

— C’est vrai. Je peux parler de lui sans le compromettre et vous dire ce qu’il est devenu. Il est resté anonyme et ne fait plus de vers.