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esprit, je l’ai bien vu, n’a plus de projet arrêté en ce qui te concerne. Vous êtes tous deux absolument libres de recommencer votre roman de jeunesse ou de le laisser s’effacer dans les nuages roses du passé.

Je ne suis pas un alarmiste, mais je ne suis pas non plus un insouciant. Je voyais bien qu’en ceci comme en tout la joie est fugitive et la sécurité chimérique. J’avais attendu comme un des plus beaux jours de ma vie celui qui me ramènerait mon fils. J’avais été si heureux de l’embrasser et j’avais fait tant de beaux rêves pour lui en l’attendant ! Malgré les fautes dont il se confessait et qu’il ne m’avait point trop cachées dans ses lettres, il avait travaillé, il était en possession d’une carrière qui pouvait être brillante. Il était intelligent, beau, bon, riche, aussi raisonnable que possible à son âge dans une telle situation. Nous avions sous la main la perle des fiancées, riche aussi, bonne, belle comme un ange et d’une raison exceptionnelle. Ils s’étaient aimés, promis l’un à l’autre au sortir de l’enfance. J’avais compté qu’ils se reverraient avec joie, et qu’on parlerait de mariage tout de suite, — et déjà on était refroidi ; ma femme, que je croyais raisonnable, au moins sur ce chapitre, travaillait à brouiller tout. Miette s’était aventurée par bon cœur dans une situation délicate. Jacques menait sous je ne sais quelle in-