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soucier de ce qu’il y a au fond. Il pouvait parler de tout avec enjouement et passer pour un aigle aux yeux des ignorants. Élevé à la campagne, il connaissait bien le rendement et la culture de la terre. Il savait tous les trucs des maquignons et tirait bon parti de son bétail et de ses denrées. Les paysans le regardaient comme un malin et tous le consultaient avec respect. Son honnêteté proverbiale avec les honnêtes gens, sa franchise familière et cordiale, son infatigable obligeance, le faisaient aimer. Il n’eût pas fallu dire dans les fermes et villages d’alentour que le grand Jaquet n’était pas le meilleur, le plus beau et le plus intelligent des hommes.

Au sortir du collège, où il n’avait rien appris, il alla faire son droit à Paris, où il apprit ce qu’il appelait faire la noce. Ses années d’études furent une fête perpétuelle. Riche, généreux, avide de plaisirs et toujours prêt à ne rien faire, il eut de nombreux amis, mangea son revenu gaîment, dépensa largement sa jeunesse, sa santé, son cerveau, son caractère, et nous donna l’inquiétude de le voir prolonger indéfiniment ses prétendues études.

Mais, au fond de toute cette légèreté, le beau neveu tenait de sa race un moyen de salut efficace. Il aimait la propriété, et quand il vit qu’il fallait quitter cette joyeuse vie ou entamer sérieusement son capital, il revint au pays et n’en sortit plus.