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connaître, j’eusse engagé ma liberté par respect pour elle et pour vous. À présent je me réjouis de pouvoir rompre mon lien sans vous affliger et sans me soucier du regret qu’elle en pourra ressentir.

Je ne pus obtenir de mon fils un aveu attendri de sa douleur. Il fut raide et fier au point de m’ébranler et de me faire croire qu’il se consolerait facilement. Il était tard, nous convînmes de ne rien dire à ma femme et de remettre au lendemain notre jugement calme sur l’étrange événement de la soirée.

Le lendemain, il dormit tard, et je n’eus pas le loisir de causer avec lui. Dès les neuf heures, ma femme m’annonça la visite de madame la comtesse de Nives. J’étais en train de me raser et j’engageai madame Chantebel à tenir compagnie à cette cliente jusqu’à ce que je fusse prêt.

— Non, me dit-elle, je n’ose pas. Je ne suis pas assez bien mise. Cette dame est si belle, elle a l’air si noble ! un carrosse magnifique, des chevaux,… ah ! de vrais chevaux anglais, un cocher qui a l’air d’un grand seigneur, un domestique en livrée !

— Tout cela t’a éblouie, dame de Percemont !

— Ce n’est pas le moment de plaisanter, monsieur Chantebel. Que fais-tu là, à essuyer dix fois ton rasoir ? Dépêche-toi !

— Je ne peux pourtant me couper la gorge pour