Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle le ciel étoilé. Quel air vivifiant et quels parfums de plantes ! Je crois que ce soir la terre et même les pierres sentent bon ! Jamais je n’ai vu des étoiles si pures, et il me semble que nous traversons un pays de fées, qui s’est fait là autour de nous, à notre insu, depuis ce matin. Ah ! si j’avais été heureux comme cela dans ma première jeunesse, je serais devenu un grand poëte et un grand peintre.

— Dieu merci, répondit Marianne, tu n’es rien devenu de tout cela, car tu me trouverais trop au-dessous de toi, moi qui ne sais rien de ces belles choses ; mais il me semble que, n’étant pas capable de dire pourquoi j’aime tant la nature, je l’aime davantage. M. Philippe me faisait horreur aujourd’hui quand il trouvait des mots d’une pédanterie bizarre pour qualifier tout ce qu’il voyait. Non, il n’y a pas de mots pour dire, et je crois que plus on dit, moins on voit. La nature, vois-tu, Pierre, c’est comme l’amour. C’est là, dans le cœur, et il ne faut pas trop en parler, car on rapetisse toujours ce qu’on veut décrire. Moi, quand je rêve, je ne sais pas ce qu’il y a dans moi, je ne vois que ce qui est entre le ciel et moi. Moi, d’ailleurs, je ne compte pas ; si je pense à toi, il me semble que je suis toi et que je n’existe plus. Et voilà pour moi le bonheur, la poésie, la science.

Après que Marianne fut remontée dans sa pa-