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gare… lequel veux-tu ? prends, choisis. Je descends à la cave.

» — Ne prends pas cette peine.

» — La peine n’est pas grande, reprit-il en ouvrant une trappe au milieu de sa chambre. J’ai toujours ma provision sous la main.

» Et en un instant il descendit deux marches et remonta portant un panier de bouteilles de tous les crus de ses vignes.

» — Je te remercie, lui dis-je, mais j’ai perdu l’habitude de boire du vin en guise de rafraîchissement. As-tu de l’eau piquante ?

» — Pardieu ! la source acidulée coule à ma porte. En voilà de toute fraîche, mets-y un peu d’eau-de-vie. Tiens, voilà de la fine champagne et du sucre, fais-toi un grog !

» Je vis qu’en me servant à ma guise il débouchait son vin pour se servir à la sienne, et, sachant comme le vin lui délie la langue, je feignis une grande soif pour l’exciter à boire de son côté. J’espérais la révélation du grand secret ; mais il eut beau engouffrer le vin de ses coteaux, il rompit toujours les chiens avec une adresse dont je ne l’aurais pas cru capable.

» D’ailleurs je me lassai vite du rôle d’agent provocateur. Qu’avais-je besoin de savoir le nom du monsieur qui me remplace dans le cœur d’Émilie ? J’aurais cru qu’elle me dirait avec franchise : Je ne t’aime plus, j’en épouse un