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à-dire à sa jument, qui s’appelle Suzon, vous l’avez dit hier soir. Or, ce matin, je compte saccager tous les buissons du pays et faire une gerbe, une guirlande somptueuse de chèvrefeuille que je suspendrai à la porte de mademoiselle Chevreuse, avec ce modeste billet déjà écrit que j’ai dans ma poche : À mademoiselle Suzon, son dévoué serviteur. Vous voyez qu’il n’y a pas de quoi se fâcher, et que votre filleule rira de l’aventure.

— Si votre ambition est de la faire rire, je pense que vous réussirez.

— Vous espérez qu’elle rira à mes dépens ? Soit ! La grande question, c’est que, sympathique ou moqueuse, elle s’occupe de moi, et vous m’obligerez en me tournant en ridicule. Je saurai bien prendre ma revanche quand elle aura la cervelle remplie et surexcitée par mes extravagances. Je compte en faire de toute sorte, mais de telle nature cependant que son austère parrain n’ait pas à me rappeler au respect que je dois à sa fille adoptive.

Pierre eut envie de lui démontrer tout de suite que l’offrande à Suzon équivalait à une déclaration d’amour à Marianne, déclaration qui pouvait d’autant plus faire jaser que les métayers, ne sachant pas lire et voyant ce bouquet à la porte, ne manqueraient pas de se dire que c’était un mai, c’est-à-dire un gage de fiançailles