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Pendant ce dialogue, Marianne, laissant Suzon à elle-même, la bride passée dans son bras, avait pris l’attitude nonchalante d’une personne pensive ou fatiguée. Tout à coup, avisant une belle branche de chèvrefeuille dans le buisson, elle poussa Suzon avec le talon sans lui faire sentir la bride, et étendit ses deux bras pour cueillir la branche.

Mais au même moment le jeune Philippe, qui l’avait rejointe sans qu’elle le vît, laissant André un peu en arrière, s’élança vers le chèvrefeuille, brisa lestement la branche et l’offrit à Marianne avec l’aisance hardie et courtoise d’un enfant de Paris.

À la vue de ce beau garçon inconnu, au regard plein de feu et au sourire plein de promesses, Marianne n’hésita pas à reconnaître le prétendant. Aucun autre habitant du pays n’eût eu cette audace et cette galanterie. Elle rougit un peu, puis se calma aussitôt et lui dit avec un faible sourire, sans accepter la branche fleurie :

— Merci, monsieur, ce n’est pas pour moi que je la voulais ; c’était pour mon cheval, qui en est friand.

— Eh bien, répondit l’artiste sans se déconcerter, je l’offre à votre cheval, qui voudra bien ne pas me la refuser.

Et il tendit le chèvrefeuille à Suzon, qui le prit entre ses dents sans cérémonie.