Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Comment, mon parrain, vous vous êtes tourmenté de savoir s’il y avait quelque chose dans ma cervelle ?

— Mon Dieu, je ne dis pas cela pour toi précisément, ma chère enfant ; mais la question que tu me poses, je me la suis posée mille fois. En regardant l’air profondément méditatif de certains paysans, la joie exubérante de certains enfants, l’apparence de bonheur enivré des petits oiseaux ou le repos extatique des fleurs au clair de la lune, je me suis souvent dit : « La science des choses est-elle un bienfait, et ce qu’on donne à la réflexion n’enlève-t-il pas à la rêverie son plus grand charme ou à la sensation sa plus grande puissance ? » Pardon, je te parle en pédant, et la manière dont je m’exprime doit te sembler ridicule. Pour me résumer, je te jure que je n’ai pas trouvé de solution, et que je compterais beaucoup sur toi pour m’éclairer, si tu voulais prendre la peine de causer quelquefois avec nous d’autre chose que de la lessive ou du prix des volailles au marché.

— Je ne peux causer que de ce que je sais, mon parrain, et je ne connais pas les mots pour dire tout ce que je pense. Il me faudrait le temps de les chercher… Attendez ! je vais essayer !