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un travail insipide pour but. Dans ce temps-là, bien près de lui encore, combien de fois ne s’était-il pas dit, en entrant dans une étude poudreuse ou dans un comptoir sombre :

« Mon Dieu ! un arbre au bord de la Gouvre et le loisir de regarder courir son eau claire !… C’est bien peu, ce que je vous demande, et vous me le refusez ! »

— Je suis un ingrat, se dit-il en marchant. J’ai ce que je rêvais et je ne m’en contente pas.

Quand il fut arrivé au tournant des roches, il marcha encore d’un pas pressé, les yeux fixés à terre, attentif à une mouche, à un brin d’herbe, se disant que partout, sur ces jolis sentiers de sable fleuris de bruyères roses et de genêts sagittés, il pouvait contempler un poëme ou surprendre un drame, tandis que sur le pavé des grandes villes il n’avait vu que de la fange ou des immondices. — Et puis sa pensée fit une excursion sur les hautes montagnes, il revit les neiges diamantées par le soleil, les aiguilles de glace bleues sur le ciel rose,… et tout à coup, croyant être arrivé à la porte de son chalet, il s’aperçut de sa méprise. Il avait, au tournant des roches, pris sa gauche pour sa droite, et il se trouvait à la porte de Validat, le domaine habité par Marianne.

Validat était une métairie bien tenue pour le pays et pour l’époque, ce qui n’empêchait pas le