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elle a doublé le cap des tempêtes, elle s’est pétrifiée, elle a pris le goût et le pli de l’immobilité : bienfait négatif de la vie de campagne, telle que nous la menons ici, bonheur stupide et froid que j’ambitionne pour moi-même sans espoir de le trouver de sitôt.

» Ai-je donc encore dix ans à souffrir ainsi avant de me refroidir ? Si je demandais à Marianne le secret de sa victoire ? Elle ne me comprendrait pas ou ne voudrait pas me répondre ; elle me trouverait absurde de ne l’avoir pas devinée,… et je suis absurde en effet, car je ne la devine pas du tout.

» Le fait est que peu d’hommes sont capables de comprendre et de connaître les femmes. Généralement celles qui nous fascinent et se refusent restent des énigmes pour nous. Celles qui se livrent perdent tout prestige, et on ne se donne plus la peine de suivre les mouvements de leur âme quand on a épuisé l’enivrement des sens. Sous ce rapport, le mariage est un tombeau. Je m’applaudis d’être trop vieux et trop gueux pour m’y laisser prendre.

» M’est avis que je n’ai rien pensé qui vaille depuis un quart d’heure que j’écris. Je me relis sans me comprendre, je n’y peux deviner que l’aiguillon d’une sotte curiosité dont l’objet est Marianne. Je suis troublé et anxieux. Marianne est la sérénité en personne. De quel droit passe-