Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La jument était laide et toujours maigre malgré les bons soins de sa maîtresse ; c’était une nature de cheval de landes, ardente et sobre, souple dans ses allures, adroite dans les mauvais chemins, volontiers folâtre, mais sans malice, n’ayant peur de rien, docile par attachement à son écuyère, mais ne se laissant pas volontiers monter par toute autre personne.

Marianne, vivant seule, avait pourtant besoin de s’entretenir, ne fût-ce qu’une heure par jour, avec des gens un peu civilisés. Ses parents avaient été liés avec ceux de Pierre, et elle avait gardé des relations d’intimité avec la vieille mère André. Elle allait tous les soirs faire sa partie de dames ou causer avec elle jusqu’à l’heure de son coucher, neuf heures au plus tard. Alors Marianne rentrait seule en peu de minutes, grâce au petit galop allongé et soutenu de Suzon, qui connaissait trop son chemin pour broncher contre un caillou dans les nuits obscures.

Pierre avait pour ainsi dire vu naître Marianne. Lorsqu’il était déjà grand écolier et venait chez son père aux vacances, Marianne marchait à peine, et il la portait dans ses bras ou sur son dos. D’année en année, il l’avait retrouvée grandelette, sans songer à être moins familier avec elle ; puis il n’avait plus reparu au pays que de loin en loin, et, remarquant que la beauté de la petite voisine ne tenait point les