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aisance relative, manger de la viande une ou deux fois par semaine, avoir chez soi les légumes, les œufs et un peu de laitage. Un domestique mâle suffit, s’il y a un cheval à soigner, car la bourgeoise fait elle-même la cuisine et le ménage avec l’aide de la métayère. Or le cheval était un luxe bien rare en ce temps-là. La jument poulinière du métayer faisait les courses nécessaires, et sa nourriture rentrait dans les dépenses de l’exploitation. Aujourd’hui tout paysan aisé a sa carriole et son cheval. En 1825, on commençait à s’émerveiller quand on rencontrait une villageoise munie d’un parapluie, et la bourgeoise allait à la ville, montée en croupe derrière son métayer ou son valet de charrue.

Mademoiselle Chevreuse, beaucoup plus riche qu’André, faisait pourtant scandale par son audace à monter seule sur un cheval, et sa selle anglaise était une curiosité pour les passants. Sa monture était cependant bien modeste ; c’était une pouliche du pays élevée par elle dans ses prés et dressée à la connaître et à la suivre comme un chien. Son métayer avait jeté les hauts cris le jour où elle avait déclaré qu’elle voulait la garder pour s’en servir. Elle avait dû lui donner la moitié du prix, ce qui n’empêchait pas tout le personnel de la métairie de se lamenter sur les dangers auxquels la demoiselle allait s’exposer.