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— Eh bien ! monsieur Chantebel, j’ai eu, pour fuir le couvent avant l’heure raisonnable, un motif que vous aurez peine à croire. Mon ignorance de la vie réelle était si profonde, et ceci n’est pas ma faute, que je croyais devoir manifester ma volonté avant d’avoir atteint l’âge légal de ma majorité. J’étais persuadée que, si je laissais passer un jour au delà de ce terme, j’étais engagée par ce fait à prononcer des vœux.

— Est-ce au couvent qu’on vous avait dit ce mensonge énorme ?

— Non, c’est ma nourrice, la Charliette, que je voyais en secret, qui prétendait avoir consulté à Clermont, et qui me disait de me méfier de la patience avec laquelle les religieuses et les confesseurs attendaient ma décision. Ils ne vous tourmenteront pas, disait-elle, ils vous surprendront, et tout à coup ils vous diront : L’heure est passée, nous vous tenons pour toute votre vie.

— Et vous avez cru la Charliette !

— J’ai cru la Charliette, n’ayant qu’elle au monde pour s’intéresser à moi et me dire ce que je croyais être la vérité.

— Mais, depuis vous avez su qu’elle vous trompait ?

— Ne me faites pas dire du mal de cette femme qui m’a rendu de grands services, des