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» — Naturellement.

» Je la conduisis sans bruit à la chambre de ma mère en la guidant à travers les corridors sombres. J’entrai doucement le premier. La petite bonne ne bougea pas. Une bougie brûlait sur une table derrière le rideau. Mademoiselle de Nives la prit résolument pour regarder l’enfant endormie ; puis elle me la rendit, et, s’agenouillant près du lit, elle colla ses lèvres à la petite main de Ninie en disant comme si elle eût prié Dieu :

» — Faites qu’elle m’aime, je vous jure de la chérir !

» Je lui touchai doucement l’épaule. Elle se releva et me suivit avec soumission au jardin. Là elle me prit les deux mains en me disant :

» — Henri Chantebel ! vous m’avez donné la plus grande joie que j’aie éprouvée dans ma dure et triste vie, vous êtes maintenant pour moi comme un de ces anges que j’invoque souvent et dont la pensée me donne du calme et du courage. Je suis une pauvre fille sans esprit et sans instruction : on m’a élevée comme cela, on l’a fait exprès, on voulait m’abrutir pour me neutraliser ; mais ma lumière, celle dont j’ai besoin pour me conduire, me vient d’en haut, personne ne peut l’éteindre. Ayez confiance en moi comme j’ai eu confiance en vous. C’est si beau, la confiance ! sans elle, tout est mal et