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— Grande comme Bébelle ?

— Oh non, et pas si vieille ! Elle est très-jolie, Suzette, et elle m’aime tant !

— Et pourquoi t’aime-t-elle comme ça ?

— Ah dame ! je ne sais pas, c’est parce que je l’aime aussi et que je l’embrasse tant qu’elle veut. Elle dit que je suis jolie et très-aimable.

— Et où demeure-t-elle, Suzette ?

— Elle demeure… dame ! je crois qu’elle demeure à la fontaine ; elle y est tous les soirs.

— Mais il n’y a pas de maisons ?

— C’est vrai. Alors c’est qu’elle y vient pour moi, pour me faire des bateaux.

— C’était donc là ton grand secret avec Henri ?

— J’avais peur que Bébelle ne me défende de sortir.

Je vis que l’enfant n’avait pas été mise dans la confidence et qu’elle oublierait facilement la prétendue Suzette, si elle ne la voyait plus avant le retour de sa mère. Je vis aussi pourquoi Henri avait été si pressé d’arranger le vieux gîte de Percemont, car, en dépit de la pluie, il s’y rendit comme il l’avait promis, et ne rentra qu’à dix heures. Dès que sa mère fut couchée, il me parla ainsi :

— Je t’ai menti l’autre jour, mon cher père. Permets-moi de te raconter ce soir une histoire vraie ; mais pour débuter vite et clairement, lis