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Quand il me connaîtra, il sera pour moi. Vous-même l’avez dit. Allons, Jacques, voilà les cornemuses qui arrivent. Je veux danser.

— C’est donc une rage ?

— Oh ! danser la bourrée comme dans mon enfance ! Avoir été dix ans au cachot, sortir du froid de la mort, et se sentir vivre, et danser la bourrée ! Jacques, mon bon Jacques, je le veux !

Les cornemuses qui se mirent à brailler interrompirent la conversation ou l’empêchèrent de monter jusqu’à nous. On alluma enfin le fanal, et le jardin du père Rosier s’illumina aussi. Je vis tous mes convives, ceux qui ne dansaient pas, prendre le café que j’avais commandé, tandis que les jeunes, répandus sur la place, invitaient leurs danseuses.

Je m’éloignai de quelques pas avec Émilie, de manière à prolonger mon tête-à-tête avec elle sans cesser d’observer la place. Dès que le fanal se décida à briller, nous vîmes très-distinctement le grand Jacques bondir à la danse en enlevant dans ses bras une svelte et jolie paysanne très-gracieusement requinquée.

— C’est bien elle ! me dit Émilie consternée ; c’est Marie déguisée !

— Commences-tu à croire qu’elle connaît un peu ton frère ?

— J’ai été trompée, mon oncle, ah ! bien trompée ! et c’est très-mal, cela !