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Dame, en temps de guerre… Si t’étais un homme, tu comprendrais ça !… J’ai jamais été un mauvais sujet auparavant, tu le sais bien. Je le suis devenu pour t’étourdir sur ton regret et sur le mien, et ça n’a duré que trois mois dans toute ma vie ! Pas plus tôt à bord, j’étais guéri, j’étais sage, et j’étais amoureux de toi comme par le passé. Je ne pensais plus qu’à revenir avec beaucoup d’honneur pour te faire plaisir, et j’aurais été chercher ma croix au fin fond de la mer, si j’avais pas pu l’attraper au milieu du feu où ce que je l’ai trouvée ! Tout ça, c’était pour toi, Francine ; mais à quoi sert tout ce que je dis là ? Tu ne me crois plus, c’est-à-dire que tu ne veux plus me croire. Tu m’inventes des torts que je n’ai pas. Tout ça, vois-tu, je ne veux pas te dire que c’est mal ; mais c’est inutile. T’étais dans ton droit de m’oublier et mêmement de te venger de moi. J’ai rien à dire. La punition est grande, faut savoir l’endurer. Je ne voulais plus te voir, Francine, tu m’as appelé… Eh bien, reçois mes adieux ; je m’en vas pour toujours ! Seulement, laisse-moi effacer ça : c’est quelque méchant cœur qui a inventé ça pour que tu me méprises, toi ! (Il efface les paroles du mur.) Il y a ici quelqu’un de bien lâche ! Oh ! oui, c’est lâche, d’achever comme ça un malheureux !

FRANCINE.

Voyons, écoute. Qu’est-ce qui t’a dit que j’en aimais un autre ?

BERNARD.

Ah ! qu’est-ce que ça fait, à présent, celui qui me l’a dit ?

FRANCINE, vivement.

C’est le drac ?

BERNARD, abattu.

Le drac ? quel drac ? où prends-tu l’idée du drac ?

FRANCINE.

Tu ne crois pas à ça ?

BERNARD.

J’y croyais quand j’étais enfant. C’est des histoires que les gens de la côte font comme ça !