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BERNARD.

Tu mens !

LE DRAC, effrayé.

Si vous vous fâchez…

BERNARD.

Oui, tu te sauveras ? Voyons, aie pas peur.

LE DRAC, insinuant.

Tu veux le tuer, pas vrai ?

BERNARD.

Le tuer ? Non certes ; tuer un pays, un camarade peut-être, parce que Francine… ? Ah ! j’avais mérité ça, moi, et je dois me soumettre.

LE DRAC.

Tu ne veux pas te venger ? Alors pourquoi veux-tu savoir ?…

BERNARD.

Pour savoir, v’là tout ; mais, toi, d’où sais-tu ?

LE DRAC.

Francine me l’a dit.

BERNARD, se parlant à lui-même, haut.

Alors qu’elle me le dise donc, à moi aussi ! Au lieu de m’accuser injustement, qu’elle me rende au moins son estime, qu’elle ait confiance en moi ! Oui, je vas l’attendre ; oui, je vas lui parler, tant pis ! Faut être honnête homme et vrai ami avant tout ; faut lui rendre sa parole, faut pas l’empêcher d’être heureuse… heureuse avec un autre !… (Il cache sa figure dans son mouchoir.)

LE DRAC, à part.

Quoi ! je ne puis le pousser ni au désespoir, ni à la vengeance ! Quelle puissance l’arme ainsi contre moi ? Qu’y a-t-il donc de si fort dans le cœur de l’homme ?

BERNARD, essuyant ses yeux.

Allons, c’est dit, c’est décidé, je ferai mon devoir. Je vas lui parler devant son père, lui faire mes adieux… Ôte-toi de