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tu ne m’as point dit, Ergaste, que la vie de mon père fût en danger ?

ERGASTE.

Sa vie ou sa raison. C’était bien assez de ce que j’avais à t’apprendre sur cette maudite affaire de vol, sans te frapper de toutes les mauvaises nouvelles à la fois.

FABIO.

Malheureux que je suis ! Oh ! si c’était cette chute sur le théâtre… tu sais, ah ! je me tuerais à la même place !

ERGASTE.

L’ouvrage du malheur n’est point à refaire. C’est surtout le chagrin qui tue Marielle. J’ai encore l’espoir que ta justification et le retour de Sylvia le pourront guérir ; mais, avant tout, Fabio, avant que je te conduise dans les bras de ton père, avant que j’aille délivrer Sylvia, j’ai quelque chose de fort sérieux à te dire.

FABIO.

Ne me dis rien ! n’ai-je pas entendu tout à l’heure la confession de ce réprouvé ? ne sais-je pas bien ce que tu me veux reprocher ? Eh bien, oui, le premier mot que je t’ai dit, ce matin, en te rencontrant, a été l’aveu de ma faute : hélas ! j’ai aimé Sylvia, et peut-être que je l’aime encore ; je m’étais guéri en apprenant son mariage avec mon père ; mais ce piège grossier où Desœillets m’a pris, avait rallumé ma passion ; j’ai couru en vain après elle ; alors, j’ai commencé à craindre qu’on ne se fût joué de moi, et, maintenant que je sais qu’elle ne m’a jamais aimé, ne suis-je point assez puni ? Ergaste ! laisse-moi pleurer dans ton sein une imagination qui faisait mes délices en même temps que ma honte !

ERGASTE.

Fabio, Fabio ! mon enfant bien-aimé ! rentre tout cela au plus profond de toi-même et fais que l’honneur l’y consume, écoute un vieux soldat qui n’entend rien aux subtilités du sentiment, mais qui a la conscience assez nette vois-tu, Marielle nous a retirés tous les deux d’une mauvaise condition : toi, de la misère des chemins, moi, de la débauche des