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retenir à souper ! Quelques sots ! C’est bien le moment, quand on tient la fortune chauve par son maigre toupet. Allons, encore une huitaine ! c’est tout ce que peut durer le pauvre M. Marielle… et, alors, on changera d’air et de pays. On laissera maugréer la pauvre madame Desœillets, et l’on s’en donnera, ma foi !… jusqu’aux gardes ! Jusque-là, point de bruit, point de fuite, et surtout… point de cabaret ! Restons portier le jour, et gardien de nuit au théâtre, comme si de rien n’était, et buvons seul. C’est triste ! mais boire en compagnie, c’est dangereux… à moins que cet histrion de Florimond ne me vienne assister… Ce n’est point que je haïsse, M. du Mezzetin ! C’est un homme qui boit proprement, gravement, silencieusement ; jamais de questions, il ne s’intéresse qu’à ses chiens… Mauvais cœur, après tout, dépourvu de sensibilité, mais d’une société sûre ; toujours ivre le premier, et muet comme souche après boire… Aïe ! j’ai mal à la tête. Il n’est rien de malsain comme d’être arrêté par la prudence après la première pinte. Ah ! il se faut donner du mal comme un chien pour soutenir une pauvre famille ! Mais nul ne dira que Desœillets ne soit pas bon époux et bon père, après ce que j’ai risqué, imaginé, mené à bien pour enrichir ces marmots-là. Ah ! les petits singes ! (Il rit silencieusement.) Et la réputation d’honnête homme ? Hériter à la foi de bonne renommée et de ceinture dorée !… Qui vient là ? Ah ! c’est le Florimond !


Scène V

FLORIMOND, DESŒILLETS.
DESŒILLETS.

Eh ! arrivez donc ! j’allais souper seul.

FLORIMOND.

Tu appelles cela souper, toi ! Des figues sèches, des amandes moisies et du vieux parmesan que j’eusse rougi d’offrir…