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LE DRAC.

Tu vois bien que je suis celui qui voit tout et qui sait toutes choses. Va ! tu me connaissais sous ma forme aérienne, je vivais dans ton imagination. Tu essayais en vain de nier ; tu me voyais dans tes songes, et l’enfant que la nuit dernière tu regardais courir sur la crête des vagues, c’était moi, Francine, c’était le drac, ton protecteur et ton ami !

FRANCINE.

Mais alors… toi, comment me connais-tu ? comment me voyais-tu ?

LE DRAC.

Oh ! moi, je te connais depuis longtemps, Francine ! Souviens-toi ! quand tu étais au lavoir et que tu te penchais sur l’eau transparente, moi, caché dans le feuillage des saules, je voyais ton front pur et ton pâle sourire. Tu chantais un air que Bernard t’avait appris, et tu croyais entendre une voix faible qui te soufflait les paroles…

FRANCINE.

C’est vrai pourtant.

LE DRAC.

Quand tu errais sur les rochers déserts, pensant toujours à Bernard et regardant toutes les voiles dans la brume de l’horizon, une voix amie que tu prenais d’abord pour le souffle du vent dans les broussailles te disait : « Il reviendra, espère ! »

FRANCINE.

Ah ! c’est encore vrai !

LE DRAC.

Un jour, tu as écrit son nom sur le sable pour en tirer un présage, comme font toutes les jeunes filles et tous les amoureux. Comme eux, tu te disais : « Si la première lame emporte les caractères, c’est qu’il ne reviendra pas ; si à la troisième on peut les lire encore, c’est qu’il pense à moi et veut revenir. » — La lame est revenue sept fois, et sept fois elle a respecté le nom chéri.