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Scène XVI

ERGASTE, seul.

Moi, j’ai du temps avant de paraître, et je les veux un peu regarder. Florimond me raille de ce que j’aime toujours ce métier-là ! Je n’en fis que deux en ma vie, et je les fis tous deux de bonne foi : soldat et comédien ! la farce après la tragédie ! J’ai fait en conscience l’état de brave : aujourd’hui, je ne fais plus que le bravache ; mais plus je me divertis d’avoir à copier les grimaces de la couardise, plus il me semble que cette feinte me hausse le cœur. (Regardant par la portière.) Ah ! mon petit Pierrot ! c’est bien, cela ! bravo ! C’est fort gentil, ce petit jeu de scène ! Allons donc, le public ! qu’on l’encourage ! (Il bat des mains.) Et mademoiselle Marinette ! Ce n’est point mal. Ce n’est point chose si aisée que de doubler la Sylvia !… Ah ! voici mon Fabio ! Comme cela vous a bon ton et bon air !… Bravo, Florimond ! Oh ! nous savons notre affaire !… Mais Marinette entre !… Mon bon Marielle, mon vieux camarade ! Taisez-vous dans les coulisses ! chut !… Ah ! comme voilà une entrée bien faite ! Et cette grâce ! à soixante ans ! plus léger qu’un oiseau ! Et ce jeu de visage ! (Il rit en regardant.) Bravo, bravissimo ! vieux lutin ! Il y a vingt-cinq ans que je le vois et je ris comme le premier jour ! (Il s’essuie les yeux.)


Scène XVII

ERGASTE, MARIELLE, FLORIMOND.
ERGASTE, recevant Marielle dans ses bras.

Ah ! que tu es beau, ce soir ! je t’embrasserais volontiers !

MARIELLE.

Moi, je me trouve froid. Je me sens au-dessous de moi-même. Sylvia n’est donc pas revenue ?