Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croyez point ! Plus froide et plus expérimentée que moi, vous avez fort bien vu que je voulais me donner le change à moi-même ; vous savez bien que vous me faites mourir, et vous vous réjouissez de mes tourments !

SYLVIA.

Il vous faudrait haïr, pour me réjouir ainsi, et je ne hais personne.

FABIO.

Vous ne haïssez personne, parce que vous n’aimez personne. Oui, voilà votre naturel ! l’indifférence et le dédain ! Eh bien, c’est un naturel haïssable entre tous, et, si je me puis guérir de vous aimer, je sens que vous me serez un objet d’horreur.

SYLVIA.

L’étrange esprit que le vôtre ! Une femme est votre ennemie parce qu’elle n’a point d’amour pour vous ! Voilà bien de l’orgueil !

FABIO.

Sylvia, vous me dites bien ouvertement que vous ne m’aimez point, et, moi, je vous dis que je vous aime hors de raison. Est-ce là de l’orgueil, et suis-je assez humilié à votre gré ?

SYLVIA.

Ce que vous me dites là, je le veux oublier. Ne vous humiliez point davantage, je ne saurais vous payer de retour.

DESŒILLETS, paraissant au fond du théâtre, et entendant les dernières paroles de Sylvia.

Aie ! (Il se glisse dans les arbres pour écouter.)

FABIO.

Ceci est une parole sérieuse et réfléchie.

SYLVIA.

Oui, Fabio.

FABIO.

Adieu donc ! mais, auparavant que je vous quitte, sachez