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feuillage et un siège de gazon ! c’est trop de fatigues et d’aventures pour une femme délicate !

SYLVIA.

Jusqu’ici, je n’ai ressenti aucune fatigue, et nos aventures m’ont semblé plus réjouissantes que fâcheuses. Moi, je l’aime, cette vie vagabonde, et je ne me l’étais point imaginée aussi agréable qu’elle l’est en votre compagnie.

MARIELLE.

Vous parlez ainsi pour ne point affliger votre vieil ami, sachant bien qu’il voudrait vous donner toutes les aises du monde et qu’il souffre de ne pouvoir écarter les épines du chemin où vous marchez. Quel caractère est le vôtre, Sylvia ! il me donnerait de l’étonnement, si l’admiration qu’il me cause me laissait le temps de m’étonner de rien.

SYLVIA.

Vous ne vous connaissez donc point vous-même, Marielle ? car vous êtes mon modèle, et c’est à vous que je m’efforce de ressembler pour être satisfaite de moi.

MARIELLE.

Tant de bonheur n’est-il point un rêve que je fais ?

SYLVIA.

Tu l’as mérité, ce bonheur ; toute ta vie ne fut-elle point un miroir de candeur et de générosité ?

MARIELLE.

Ne m’en fais point un mérite : j’étais né pitoyable, et j’aurais souhaité d’être riche ou puissant pour guérir tous les cœurs navrés. La vue du mal des autres m’a toujours semblé plus malaisée à supporter que mon propre mal ; ce n’est point vertu, cela, c’est nature ; j’ai rencontré des ingrats ; mais, mon Dieu ! qu’il est commode de leur pardonner quand on est aimé de Sylvia !

SYLVIA.

Sois donc heureux, bon Marielle, car je t’aime plus que moi-même !