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Scène III

ERGASTE, PIERROT.
PIERROT, entrant à reculons et partant vers la coulisse sans voir Ergaste.

Allons, mesdemoiselles ! soyez belles et sages, et n’allez point courir dans les blés pour y gâter vos blancs habits !

ERGASTE, à part, regardant vers la coulisse.

À qui donc parle ce petit paysan ? À ses oies. Dieu me pardonne ! la drôle de petite figure ! (Il se tient à l’écart et observe Pierrot en approuvant du rire et du geste son monologue.)

PIERROT, se croyant seul.

Ah ! c’est qu’il les faut souvent avertir, ces demoiselle ! ça vous a une cervelle si légère ! ce n’est point comme moi, qui pense toujours à quelque chose ! Voyons, à quoi est-ce que je penserais bien ? Je penserais bien à manger ; mais, mardi ! je n’ai miette à fourrer sous la dent ! à dormir ; mais il faut que je pense aussi à garder mes oies, et ces deux idées-là ne vont guère bien ensemble. Dame ! je m’ennuierais bien d’être toujours tout seul dans la montagne, si je n’avais point mon brin d’esprit pour me faire compagnie ! Ils disent pourtant comme ça, à la ferme, que je suis un simple ! (Changeant sa voix.) « Un grand benêt qui a quinze ans et qui ne sait encore rien de rien ! » (Reprenant sa voix.) « Oui-da ! si on m’avait enseigné quelque chose, je saurais quelque chose. » Pas moins, c’est comme ça qu’ils disent et c’est comme ça que je leur fais réponse. Il y a la mère Tiphaine… c’est celle-là qui toujours gronde. (Contrefaisant la vieille femme.) « Ah ! voyez donc ce vilain Pierrot qui a encore renversé la soupe ! » (Reprenant sa voix.) Et puis le gros Thomas, (faisant le balourd) « Ah bien, Pierrot ! c’est encore toi qui as cassé la porte de l’étable ! » (Reprenant sa voix.) Oh ! celui-là est plus simple que