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négligence, on passe sur la langueur de l’action, il suffit qu’au beau moment nous fassions rire ! Mais l’impatience française s’accommode aussi malaisément des oublis que des redites. Quand ces gens-là ont une fois bâillé, n’espérez plus de les divertir. Faisons donc en sorte de nous concerter un peu à l’avance pour régler l’ordre de nos entrées, pour ne nous point retirer la parole les uns aux autres, et, sur toutes choses, pour ne point parler tous à la fois sur la scène.

FLORIMOND.

Mais n’est-ce point pris sur le naturel, ce désordre comique ?

MARIELLE.

Approchons-nous de la nature le plus qu’il nous sera possible, mais sans oublier que nous faisons de l’art. La belle manière du comédien qui joue d’imagination et qui compose en jouant tout ce qu’il dit, c’est de provoquer les heureuses réparties de son interlocuteur, faute de quoi, lui-même serait privé de sa vive faconde. Un bon acteur a en vue la conduite de l’action plus que la fausse gloire de montrer son esprit au détriment de l’ensemble, et tel de nous qui se perd en un labyrinthe de badineries hors de saison ferait mieux parfois d’exposer naïvement et simplement le sujet du spectacle.

FLORIMOND.

À ce compte-là, Marielle, nous changerions notre manière et prendrions celle des comédiens de l’hôtel de Bourgogne, ces maîtres passés en l’art de brailler, qui ne trouvent rien d’eux-mêmes et qui répètent comme des sansonnets la leçon qu’on leur a dictée.

MARIELLE.

Florimond, ne disais-tu pas tout à l’heure que notre théâtre italien s’en allait en décadence ? Faisons-le durer encore un siècle, s’il se peut, en assujettissant notre folie que l’on aime encore à des lois mieux réglées que l’on commence à nous préférer.

FLORIMOND.

Il durera toujours autant que nous, et après nous la fin du